Nous reproduisons ici le premier article sur ce livre sorti en juillet deux mille onze dans le journal franco-argentin Le Trait-d´Union (qui n´en prend pas, hormis pour le titre du journal) et écrit par votre serviteur, plus une photo inédite de l´auteur du livre.
En Patagonie avec Houellebecq. (paru en juillet 2011, Le Trait-d´Union, numéro 142)
Après s´être lui-même mis en scène dans La carte et le territoire, Houellebecq participe cette fois-ci à un livre jubilatoire se situant en Patagonie et dans lequel il est le héros d´un voyage en compagnie de son ami et traducteur brésilien.
C´est en septembre que sortira En Patagonie, avec Houellebecq (éditions CNRS) du Gaúcho[1] Juremir Machado da Silva. Le Récit de voyage, anti Tristes tropiques, est convaincant, mêlant interviews et mises en scène d´interviews de l´auteur du Goncourt 2010, essai sociologique et sur le roman français et son influence, critique sociale, histoire de la Patagonie. C´est aussi l´œuvre d´un Brésilien amoureux de la langue française, de sa pensée et de ses auteurs, démontrant que le français est bel et bien encore influent. Dans un monde que l´on veut croire trop souvent dominé par l´anglophonie, Juremir nous offre ici une épopée multiculturelle « laissant de côté la rivalité traditionnelle entre le Brésil et l'Argentine, pour la gloire de la littérature française ».
Reprenant des scènes classiques de voyages touristiques de quadragénaires, les longs moments de voyages en avion sont aussi l´occasion de discussions sur l´histoire de l´Argentine, de ses rapports avec les Français, entre le célèbre écrivain et l´outsider brésilien – tour à tour pamphlétaire, professeur et coordonnateur du prestigieux département de communication de l´Université Pontificale Catholique de Porto Alegre (PUC), commentateur sportif et traducteur prolifique des meilleurs écrivains français actuels.
L´excursion, donnant aussi lieu à des descriptions poétiques des paysages patagoniens, des teintes bleues des cathédrales de glace, se relève curieusement hergéenne ; Juremir en Tintin déluré ne lâche pas sa proie et aucun sujet ne lui sera épargné. Claudia, la femme de Juremir, tel le fidèle Milou reste en appui et recadre à l´occasion les joyeux compères. Quant à lui, le capitaine Haddock préférant à l´esclandre et au whisky se fendre de multiples « hummm », sera toutefois l´objet de toutes les attentions de notre trépignant reporter. Si une fois « Michel se contenta d'une salade très frugale et d´une eau minérale gazeuse », c´est tout simplement qu´il « préfère dîner ». Le reste du temps, nos vacanciers passionnés de malbec ouvriront quelques bonnes bouteilles, mais les fins de soirées plongeront Houellebecq généralement dans sa réserve et son mutisme légendaires.
Machado da Silva aborde savoureusement tous les sujets ; des îles Malouines à l´Islam, du sexe et de la crise de la quarantaine, les conversations sont l´occasion pour son interlocuteur d´exprimer des points de vue affutés sur le monde et même de surprenants bestiaires où l´on apprend que le « pivert et les lapins donnent de mauvais exemples à l'humanité ». En effet, le « pivert ne pense qu'à travailler. Les lapins n'ont pas la moindre idée de contrôle de natalité. » Si certains thèmes paraissent plus folkloriques et burlesques, d´autres par contre, abordent avec justesse la pensée française et sa perception dans le monde ; ainsi, Juremir glisse malicieusement, mais avec humour : "Je pense que je suis trop français. J'aime les digressions, les idées, les théories, les personnages qui pensent beaucoup et qui expliquent tout. Je ne raconte même pas toujours une histoire."
Enfin, n´oublions pas le sujet principal ! La biographie et la personnalité de Houellebecq sont passées au crible, toujours avec beaucoup d´humour et sens du récit. C´est en rêve que Juremir revient sur la vie de Houellebecq, mais pris en flagrant délit par celui-ci qui rectifie et commente certains points : « Tu ne sais toujours pas tout cela, Juremir ? »
Ce livre n´aura peut-être pas le Goncourt lui, toutefois, En Patagonie, avec Houellebecq, est un récit de voyage enlevé et astucieux, qui nous fait passer un bon moment. À lire absolument !
Erwan Pottier
P.S : si vous souhaitez citer cet article, faites-le bien, en mentionnant son auteur et cette page, merci.
[1] À ne pas confondre avec les Gauchos. Les Gaúchos sont en effet les Brésiliens de l´État du Rio Grande do Sul, qui boivent aussi le maté.
J'ai hâte de lire ça en portugais (puisque je vis au Brésil)
RépondreSupprimerOui, c´est très réjouissant. Vous pouvez le commander dès à présent.
RépondreSupprimerMichel Thomas, qui aurait mieux fait de garder ce nom moins prétentieux, ne saurait être classé comme littérateur. Seulement comme écrivaillon.
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